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The political economy of development
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Aperçu de l'aide bilatérale française au développement

J.D. Naudet

Référence bibliographique:
Naudet, J.D. 1995. Aperçu de l'aide bilatérale française au développement
Paris: DIAL.


SOMMAIRE

Présentation

I. La définition de l'aide française au développement

II. La conduite de l'aide française au developpement

III. Les enjeux actuels

Bibliographie

Abréviations


Présentation

Cet aperçu de l'aide bilatérale française au développement est une contribution au projet "the effectiveness of European Union and Member State aid". Ce projet vise à animer un groupe de recherche européen sur le thème de l'analyse de l'aide publique au développement. Il est coordonné par l'Overseas Development Institute (ODI, Londres) et l'European Center for Developement Policy Management (ECDPM, Maastricht) et regroupe le DIE (Berlin), le CDR (Copenhague) et DIAL (Paris).

Une première phase des travaux, dans laquelle s'inscrit la présente contribution, consiste en une comparaison des approches, méthodes et organisation des différents systèmes d'aide bilatéraux, ainsi que de leurs évolutions et leurs rapports avec l'aide européenne. Une seconde phase reposera sur la réalisation et l'analyse d'études sur l'efficacité des aides dans certains pays et/ou secteurs bénéficiaires.

Le présent document aborde dans une première partie les grandes caractéristiques de l'aide publique française au développement. Un rapide bilan statistique est tracé, mais surtout cette partie tente d'identifier les grands objectifs, stratégies et priorités qui animent la politique d'aide française. La seconde partie décrit la conduite de l'aide française, c'est-à-dire le dispositif institutionnel de l'aide ainsi que les processus et procédures de réalisation des différentes actions. Enfin, une troisième partie met l'accent sur certains aspects particuliers de l'aide française, qui constituent les enjeux actuels : ses évolutions récentes, ses rapports avec l'aide européenne, la nature de son dialogue avec l'ensemble des composantes de la société française et la sensibilité des priorités retenues à l'influence des priorités des autres systèmes d'aide.

La présente réflexion répond à des termes de référence précis, nécessaires à l'approche comparative. Il n'a donc pas pour ambition de constituer un tour d'horizon complet du système d'aide français, mais de mettre en lumière certains points particuliers. Le document est essentiellement descriptif. Il ne comprend donc pas, à proprement parler, d'opinions de l'auteur. Cependant, dans certains cas les positions, stratégies ou orientations du système d'aide sont implicites et ne donnent pas lieu à des principes directeurs écrits et acceptés par tous. Sur ces points, le document donne la perception personnelle de l'auteur de ces positions, stratégies et orientations telles qu'elle est ressorti de l'examen des analyses déjà réalisées et d'interviews de certains représentants du système d'aide français.


I. LA DEFINITION DE L'AIDE FRANCAISE AU DEVELOPPEMENT

1. Les principes de l'aide publique française au développement

1.1. Le niveau de l'aide

En 1993, l'aide française s'élevait à 7.915 millions de dollars, soit 0.63% du PIB. Cela place la France au troisième rang des donateurs en valeur absolue, et au cinquième en pourcentage de son PIB.

Source CAD

On constate que l'APD française (qui comprend l'aide accordée au Territoires d'Outre Mer -TOM- d'environ 0.6% du PNB sur les années récentes) est nettement supérieure à la moyenne du CAD, et qu'elle n'a pas participé au net mouvement de baisse constaté en 1993 où l'aide est tombée à 0.29% du PNB du CAD, soit le niveau le plus bas depuis 1973. L'objectif était, depuis le début des années 1980, de parvenir à un taux de 0.7% du PIB, hors TOM. Sur la période récente cette ambition n'a été ni démentie ni confirmée. Bien que cherchant par principe à atteindre un niveau "élevé", l'aide française ne semble plus guidée par un objectif quantitatif précis.

1.2. Objectifs et règles de conduite

L'examen de la politique française en matière d'aide extérieure amène à dessiner trois principales règles de conduite :

  • adhérer aux stratégies et politiques multilatérales et contribuer aux grandes questions de développement (environnement, santé publique, etc...);
  • peser de l'intérieur sur les politiques des pays développés vers une plus grande solidarité avec le Tiers-Monde;
  • montrer une "différence" dans la politique bilatérale avec un groupe de pays partenaires (les "pays du champ"), soit tenter de faire apparaître un "modèle français" dans le domaine des relations avec les pays du Sud.

Ces objectifs font, a priori, apparaître une certaine cohérence. Il s'agit, sans remettre en cause la solidarité et la coordination occidentale, d'être "l'avocat des pauvres parmi les riches", et d'illustrer cette position à travers un modèle de coopération bilatérale : celui de la France avec l'Afrique francophone. La finalité poursuivie à travers ce positionnement est d'affirmer la présence internationale de la France à travers la délivrance d'un discours universaliste, une forte influence locale dans le Sud et le rayonnement de la francophonie.

Sans reprendre l'ensemble des options de la politique d'aide française au regard de ces règles de conduite, on peut se contenter de mettre en avant quelques exemples caractéristiques.

La Zone franc, les sommets franco-africains, la cellule Afrique de l'Elysée, la "francophonie", les accords spéciaux sur les matières premières (gaz algérien, uranium nigérien), l'accent mis sur l'assistance technique et la coopération militaire, les accords spéciaux de défense, le recours fréquent aux aides budgétaires sont, cités en vrac, autant de manifestations qui ressortent de "l'exemple français" avec ses partenaires privilégiés. Elles sont le vecteur de la solidarité, mais aussi de "l'ingérence amicale", de la France envers les pays de "son champ". La relation entre la France et ses partenaires privilégiés apparaît de ce fait tout à fait unique, à la fois multiforme et très "politique". L'objectif a été de faire émerger un véritable groupe solidaire de pays réunissant la France et les pays de son champ. Dans ce cadre un accent important a toujours été mis sur la sécurité, la stabilité et la cohésion (notamment par l'appui à la constitution d'un groupe régional) des principaux partenaires de la France.

La position française, auprès des instances internationales, s'est toujours fait l'apôtre d'une nécessaire sollicitude vis-à-vis des pays du Sud. La France s'est, par exemple, toujours montré plus ouverte que quiconque, parmi ses pairs, à reconnaître les "méfaits du marché" pour les pays en développement producteurs de produits de base. De même, la France a souvent soutenu, y compris par l'exemple (dette bilatérale, initiative de Toronto), des positions clémentes vis-à-vis de l'endettement des pays en développement. La France n'a dans ce sens guère pesé sur la politique des institutions financières internationales, où son influence est limitée. Toutefois, l'intervention de la France a été déterminante dans l'instauration d'instruments spéciaux tels que la Facilité Spéciale pour l'Afrique (FSA), le "programme spécial de la Banque Mondiale en faveur des pays les plus pauvres et les plus endettés de l'Afrique subsaharienne" ou encore la Facilité d'Ajustement structurel du FMI. A l'opposé l'influence française a été très forte sur l'orientation de la politique d'aide européenne.

Enfin, la participation naturelle de la France aux stratégies collectives des institutions internationales peut également s'illustrer à travers de nombreux exemples. On peut citer, à ce sujet, les initiatives françaises sur les questions d'environnement (appel à la sauvegarde du patrimoine mondial en 1989 ou la préparation du sommet de Rio). On peut également considérer l'intégration rapide de l'ajustement structurel dans les politiques françaises de développement, alors que ses principes étaient par ailleurs fortement contestés par une proportion importante des analystes et décideurs concernés. Cet exemple montre que l'adhésion n'est pas seulement un devoir de solidarité de la France, mais aussi une nécessité de partage de la gestion de l'aide extérieure avec l'ensemble de la communauté internationale. Cette nécessité ressort conjointement du poids financier du soutien aux pays en difficulté, qui dépasse les moyens d'une seule nation, et de la difficulté à gérer l'aide conditionnelle au niveau bilatéral.

Les objectifs et règles de conduite décrits sont toujours actuels. Cependant, il est parfois, et sans doute de plus en plus, difficile de les mener de front. La France apparaît souvent partagée entre l'ambition d'un discours universaliste sur le développement et une pratique beaucoup plus régionaliste -la plupart des initiatives prises auprès des instances internationales le sont très directement dans l'intérêt des pays africains. Le maintien d'un modèle en matière de coopération avec les pays du champ d'une part est fortement remis en question par la crise de ces pays, et d'autre part se heurte parfois à l'adhésion aux stratégies internationales, comme cela a été le cas pour le fonctionnement de la zone franc. Enfin, la stratégie globale française, qui a consisté à faire apparaître un groupe solidaire de pays, sous le leadership de la France, dépassant le clivage Nord-Sud, est, et sera, de plus en plus difficile à mesure qu'une nouvelle préoccupation de la politique d'aide de la France devient d'atténuer la pression (financière mais surtout migratoire) sur la France d'un continent africain entré dans la crise.

En résumé, la politique actuelle et future de la France se dessine à travers un compromis entre ses objectifs historiques et les nouvelles préoccupations issues de la profonde crise africaine.

2. Description de l'aide française au développement

2.1.Priorités géographiques

La priorité géographique de l'aide française est dirigée en premier lieu vers l'Afrique subsaharienne, et en second lieu vers l'Afrique du Nord et l'Océanie (les territoires d'outre-mer).

Source : CAD

On constate que la spécialisation vers l'Afrique s'est renforcée sur la dernière décennie, au détriment essentiellement de l'Océanie. La proportion de l'aide française vers l'Afrique subsaharienne n'est pas une exception. Elle est comparable à celle de plusieurs pays du CAD -les pays scandinaves, l'Irlande, la Belgique, le Portugal.

L'autre priorité géographique de l'aide française est l'orientation vers les pays francophones.En 1992 sept des dix principaux receveurs de l'aide française étaient des pays francophones.

2.2.Priorités sectorielles et types d'intervention

L'aide française se distingue par son caractère généraliste.

"Elle (la politique française de coopération) entend articuler nos actions d'aide au développement autour de trois axes privilégiés : le développement humain, le développement productif et le développement culturel... En matière d'APD, certaines priorités nouvelles ont été définies récemment, venant s'ajouter aux orientations traditionnelles de la France (agriculture, éducation santé, culture, etc...). Il s'agit en particulier de l'environnement, du développement institutionnel et de la lutte contre la pauvreté. Le traitement de la dette reste par ailleurs un thème essentiel."

L'importance donnée à la coopération culturelle apparaît comme une spécificité de l'aide française.

Le champ très ouvert des domaines d'intervention de l'aide française, manifeste dans les pays du champ, se lit à travers la répartition des engagements par type d'intervention.

Répartition de l'aide française par secteurs et instruments


                                   1981/82 1991/92  Moy CAD         
                 (90/91)         

Infrastructures sociales et        49.5%   33.1%    20.6%           
services                                                            

dont nvestissements et services    27.1%   23.6%    9.2%            
éducatifs                                                           

dont Santé                         10.1%   3.0%     2.6%            

Infrastructure économique et       13.2%   14.0%    17.6%           
services                                                            

Secteurs de la production          21.4%   12.6%    12.1%           

dont Agriculture                   7.8%    7.7%     7.1%            

Destination pluri-sectorielle      3.7%    6.0%     3.0%            

Total sectoriel                    87.8%   65.7%    53.2%           

Aide programme                     5.4%    15.0%    11.7%           

Réaménagement de la dette          2.0%    7.8%     18.1%           

Aide alimentaire                   0.4%    0.5%     3.2%            

Aide d'urgence                     0.5%    0.4%     3.3%            

Concours aux organismes privé      -       0.2%     1.2%            
bénévoles                                                           

Autres                             3.9%    10.4%    9.3%            



Source CAD

L'aide française a connu les évolutions générales de l'aide au développement, en particulier l'augmentation de l'aide non sectorielle, au détriment notamment de la part de l'aide aux secteurs productifs. La grande diversité des actions entreprises n'empêche que certains points forts se dégagent, tels que les concours à l'éducation. Mais cela ressort autant comme le résultat ex post des instruments utilisés que comme une spécialisation dans les objectifs. La place privilégiée de l'aide à l'éducation peut être rapprochée de l'importance traditionnelle donnée à la coopération technique dans l'aide française. Importance qui s'est toutefois largement réduite sur les années récentes. En 1992, la coopération technique représentait 27% de l'APD nette en 1992 contre 21% pour la moyenne du CAD. Ces ratios étaient de 37% pour l'aide française et 20% pour le CAD en 1986/87.

2.3. Autres caractéristiques

. Aide multilatérale

L'aide multilatérale françaisereprésente une faible proportion de l'aide française (11% en 1992 contre 22% pour la moyenne du CAD sans la contribution à l'aide européenne, 23% contre 30% avec cette contribution). Mais rapporté au PIB, la France apparaît au moins dans la moyenne des pays du CAD et légèrement au dessus si l'on comprend l'Union Européenne.

La France apparaît comme un faible contributeur au système d'aide des Nations-Unies (2% de son aide en 1992 contre 7.7% pour la moyenne du CAD). En revanche, elle est un des gros contributeurs de l'aide européenne, tant en proportion de l'aide totale que du PIB.

Prêts et dons

La proportion de dons est stable de l'ordre de 70% du total de l'aide bilatérale française, ce qui est sensiblement inférieur à la moyenne du CAD qui se situe autour de 80%.

Aide liée

L'aide française présente actuellement un degré de liaison sensiblement supérieur à celui de la moyenne du CAD (52% en 1991 contre 33% à la moyenne du CAD). Elle n'a pas suivi le mouvement d'ensemble vers le déliement. Au contraire, le degré de liaison a augmenté durant la première moitié des années 1980 (puis diminué par la suite).

"L'APD de la France est en principe liée. Cette disposition, qui est d'origine législative, répond au souci d'obtenir le soutien maximum de l'opinion publique française à l'aide aux pays en développement. Elle correspond par ailleurs, à la volonté d'associer le nombre le plus large possible d'intervenants (notamment du secteur privé) à l'exécution du programme d'aide

."

L'importante liaison de l'aide française est, une nouvelle fois, à rapprocher de sa répartition par instruments, et en particulier de l'importance de la coopération technique.

Aide aux Organisations non gouvernementales

L'aide publique française destinée à subventionner l'action des ONG se situe, selon le CAD, autour de 0.2% à 0.4% du total de l'aide bilatérale. Cela est nettement inférieur à la moyenne du CAD qui, selon les sources et les années, oscille entre 1.2% et 2% de l'ensemble de l'aide.

La France se situe à la 15ème place des 18 pays de l'OCDE pour la part des aides publiques au développement mises en oeuvre par les ONG. Toutefois, une tendance semble nettement se dessiner vers une plus forte participation des ONG aux actions d'aide publique. Un rapport parlementaire récent propose de porter de 1% à 5% la part de l'APD consacrée à la coopération non gouvernementale (rapport Cazenave). Cet objectif peut rester à l'état de voeu, néanmoins dès 1995 une augmentation de 30% des crédits alloués au ONG par le Ministère de la Coopération est programmée; le Ministre de la Coopération ayant annoncé un objectif de 10% du FAC exécuté par les ONG (contre 4% aujourd'hui).


II. LA CONDUITE DE L'AIDE FRANCAISE AU DEVELOPPEMENT

1. Le dispositif de l'aide publique au développement

1.1. Les différents intervenants

Le Ministère de la Coopération

Jusqu'à présent, le ministère de la coopération définissait et mettait en oeuvre la politique de coopération avec les "pays du champ" (37 Etats, en majorité francophone, de l'Afrique subsaharienne, de l'Océan Indien et de la zone Caraïbes), participait aux négociations internationales, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre des conventions de Lomé, et présidait le comité directeur du Fonds d'Aide et de Coopération (FAC), dont il était l'ordonnateur principal.

Ce rôle a été étendu à l'identique en Mai 1995 à l'ensemble des pays ACP, en même que le ministère passait sous la tutelle de celui des affaires étrangères. Mais, l'extension du FAC à cette nouvelle zone géographique n'a pas encore été décidée.

Le FAC, principal moyen d'intervention du Ministère (35% de son budget environ), est une subvention d'investissement accordé par L'Etat français. Sa gestion contrôlée par un comité directeur permet une souplesse plus grande en échappant partiellement aux règles de la comptabilité française. Ainsi, le FAC n'est pas soumis à la règle de l'annuité budgétaire et permet une programmation pluri-annuelle. De plus le contrôleur financier n'a pas à s'engager à son propos, l'avis du comité directeur étant suffisant.

Le Ministère de la Coopération est représenté dans les pays du champ par des missions de coopération et d'action culturelle (au nombre de 32) placées auprès des ambassades de France. Le rôle des missions de coopération est à la fois de participer à la définition des politiques et des actions à entreprendre puis d'en assurer la mise en oeuvre, le contrôle et l'exécution.

Pays du champ en Afrique (situation début 1994)
Le Ministère des affaires étrangères

Le Ministère des Affaires Etrangères a la responsabilité de l'aide publique au développement en dehors des pays du champ du ministère de la coopération. Il gère la coopération technique avec ces pays et collabore avec le Ministère de l'économie pour l'aide financière et les concours d'appui à l'investissement. De plus, il gère les aspects multilatéraux et les contributions de la France auprès des organismes du système des Nations-Unies (hors les institutions financières). Les créations récentes, au sein du Ministère, d'une mission de liaison auprès des organisations non gouvernementales et d'un service de l'action humanitaire répondent à une vocation de coordination des actions dans ces nouveaux domaines. Enfin, le ministère vient d'acquerir la tutelle du ministère de la coopération, et pourra ainsi plus étroitement coordonner les actions sur l'e,semble des pays en développement.

Le Ministère de l'Economie

Dans le domaine de l'aide publique, la Direction du Trésor du Ministère des Finances répond à quatre types de missions :

  • elle attribue les prêts et dons pour projets d'investissement dans les pays hors champ (rôle joué par le FAC dans les pays du champ);
  • elle est en charge de la coopération monétaire avec les pays de la zone franc et elle joue un rôle pivot dans l'instruction des aides à l'ajustement structurel;
  • elle assure le dialogue et le suivi des activités avec les institutions financières internationales;
  • elle négocie les accords de consolidation de la dette dans le cadre du club de Paris.
La Caisse Française de Développement

La Caisse Française de Développement (CFD) est une institution financière publique sous tutelle du Premier Ministre et du ministre des Finances. La Caisse finance des investissements productifs publics ou privés dans tous les secteurs de l'économie. Elle finance également pour le compte de l'Etat des programmes d'ajustement. Elle mène des actions d'assistance technique et de perfectionnement des cadres.

La CFD possède des représentations dans ses principaux pays d'intervention.

Antérieurement, le partage des tâches dans l'aide publique aux pays du champ était basé sur la nature des transferts : le Ministère de la Coopération gérait les dons et la Caisse Française de Développement (alors Caisse Centrale de Coopération Economique) les prêts. Ce schéma s'est quelque peu complexifié ces dernières années.

En premier lieu, depuis le sommet franco-africain de la Baule (1990), l'aide française à destination des PMA, non destinée au secteur privé, est entièrement sous forme de dons. La Caisse n'a pas pour autant abandonné ses relations avec ces pays, mais est devenue elle-même organisme donateur. La répartition des rôles s'effectue désormais plutôt sur des critères sectoriels : la Caisse prenant en charge les secteurs productifs et économiques alors que le Ministère se tourne davantage vers les secteurs sociaux.

En second lieu, le champ d'intervention de la Caisse s'étend ponctuellement au rythme des autorisations successives. Ainsi, en 1993 son champ d'action s'est étendu à l'Ethiopie, l'Erythrée, le Cambodge, le Viet-Nam et le Laos. Le champ d'intervention de la Caisse est donc plus élargi que l'ancien champ du Ministère de la Coopération mais pas étendu à l'ensemble des pays en développement. Les pays du Maghreb ou le Ghana par exemple font partie des pays d'intervention de la Caisse (et non des "pays du champ" de la coopération) mais pas le Nigeria.

Les autres ministères

Outre les ministères principalement chargés de l'aide au développement, de nombreux départements ministériels ont une action en ce domaine, principalement en coopération technique. C'est le cas en particulier des ministères de l'éducation, de la recherche, de la santé, de l'agriculture, de l'industrie, des affaires sociales, de la jeunesse et des sports.

Ces ministères interviennent parfois par l'intermédiaire d'instituts spécialisés sous leur tutelle.

1.2. Organisation et coordination

La multiplicité des intervenants de l'aide française induit une certaine complexité dans son fonctionnement.

Il n'existe pas réellement d'institution leader de l'aide française. Le Ministère des Finances est certes de loin le plus gros bailleur d'aide (voir tableau ci-dessous), mais d'une part les contributions des autres intervenants sont importantes, d'autre part l'essentiel de l'expertise technique en matière de développement est plutôt au sein des institutions spécialisées (en particulier le Ministère de la coopération et la CFD).

Répartition de l'aide hors TOM par structure de financement 1991


                               Total (y.c.  Aide         
multi)       bilatérale   

Ministère des Finances         55%          42%          

Ministère de la Coopération    15%          21%          

Caisse Française de            9%           12%          
Développement                                            

Ministère des Affaires         9%           9%           
Etrangères                                               

Autres                         12%          16%          



Source : Conseil Economique et social

Le partage des compétences entre les institutions se fait, comme cela a été évoqué, sur un compromis entre des critères géographiques et des critères d'instrument et de secteur d'intervention : le soutien financier pour le Ministère des Finances, l'ajustement et l'investissement dans les secteurs productifs pour la CFD, l'investissement dans les secteurs sociaux et l'assistance technique pour le Ministère de la Coopération, les interventions spécialisées pour les autres ministères.

La multiplicité des structures impliquées, leur responsabilité respectives sur des champs et des instruments particuliers, l'importance de la représentation à l'étranger font du système d'aide français un dispositif particulièrement peu concentré. Cela doit être vu comme une spécificité importante de l'aide française. On pourrait presque dire que l'aide au développement, principalement africain, possède un caractère diffus dans l'administration française. Il en résulte une connaissance élargie des problèmes de développement, mais aussi une absence de cohérence et de coordination manifeste.

Le problème de la coordination des intervenants se pose également pour la représentation et le dialogue français avec les institutions internationales. Ainsi le Ministère de la Coopération ne pouvait jusqu'à présent être l'interlocuteur de l'Union Européenne ou de la Banque Mondiale que pour les pays du champ, ce qui ne correspond pas à une subdivision opérationnelle pour le dialogue international. Seul le Trésor possède une compétence géographique élargie à l'ensemble du monde en développement. Il est l'interlocuteur naturel des Institutions Financières Internationales et a la responsabilité des négociations avec ces organismes. Mais, il n'est guère préparé à représenter les positions françaises en matières d'aide projet ou de coopération technique par exemple, domaines de compétences des autres institutions intervenantes.

De fait, les positions et les actions françaises en matière d'aide au développement ne peuvent qu'être arbitrées qu'au niveau interministériel. Cela se fait parfois sous l'égide du Premier Ministère ou de la Présidence de la République. Un autre mécanisme interministériel, réservé aux pays du champ, a également vu le jour en 1991 -le Comité d'Orientation et de Programmation (COP)- qui est censé assurer la complémentarité et la cohérence des interventions de la coopération dans les pays du champ. Le COP réunit sous la présidence du ministre de la Coopération, les représentants de son propre ministère, du Ministère des Affaires Etrangères, du Ministère de l'Economie et de la CFD. Le rapport du CAD note toutefois que cette instance éprouve des difficultés assumer son rôle.

2. La gestion de l'aide

2.1. L'aide sectorielle (projets et coopération technique)

Orientations et concertation

Dans les pays du champ, la gestion des actions de développement se situe dans un processus de dialogue continu entre le Ministère de la Coopération, les missions locales et les autorités des pays bénéficiaires. L'administration centrale définit des politiques sectorielles dans lesquelles doivent s'inscrire les initiatives des missions en matière de programmation et de proposition. Ces politiques sectorielles constituent un élément nouveau des orientations de l'aide française aux pays du champ, qui étaient auparavant basées sur la nature des projets puis sur des programmes (à partir du début des années 1980).

Ce changement dans l'instrument de cohérence des programmes d'aide a conditionné l'évolution de la concertation entre les autorités de la France et des pays receveurs. Les commissions mixtes bilatérales, qui avaient auparavant lieu très fréquemment (le plus souvent tous les ans) et qui discutaient des actions à mettre en oeuvre, deviennent progressivement moins fréquentes (tous les 3 ou 4 ans) et portent désormais sur les politiques sectorielles. Ces commissions mixtes débouchent sur un procès verbal qui fixe un cadre à la programmation effectuée par les missions locales et sert également à l'élaboration annuelle de prévisions glissantes sur 3 ans des actions à entreprendre -les Orientations à Moyen Terme (OMT)-, établies conjointement par les représentations locales de la Coopération et de la CFD (et examinées par le Comité d'Orientation et de Programme-COP).

Par ailleurs, les représentations locales de l'aide française participent naturellement aux procédures de concertation élargies entre autorités locales et donateur -tables rondes, groupes consultatifs, etc...

En dehors de ces concertations formelles, l'organisation décentralisée de la gestion des projets est destinée à permettre une concertation continue tant avec les autorités des pays receveurs qu'avec les agences des autres donateurs.

Programmation

"La programmation de l'aide française se fait en fonction de l'enveloppe budgétaire votée pour les différentes branches de l'administration, chaque administration étant responsable de la gestion de son budget. Les règles du budget permettent une budgétisation, et donc programmation, sur plusieurs années lorsqu'il s'agit de l'aide à l'investissement (FAC, protocoles du Trésor), tandis que pour la coopération technique il n'y a qu'un seul budget annuel."

La programmation se fait séparément pour chaque administration responsable. Il n'existe donc pas de programmation globale par pays bénéficiaire.

En ce qui concerne les pays du champ, le Budget de la coopération est dans un premier temps partagé entre les actions concernant un Etat (gérées par les missions locales de coopération), les actions inter-Etats et les actions d'intérêt général. Pour le FAC en 1990, ces trois types d'actions représentaient respectivement 55%, 12% et 33% du total. Les fonds destinés aux programmes-Etats sont alors répartis selon les bénéficiaires.

"Au Ministère de la Coopération, un département de la programmation est chargé de préparer la "programmation Etat" c'est-à-dire par pays bénéficiaire du champ. Pour cela, le département s'appuie sur les préparations du budget du Ministère de la Coopération menée par le sous-direction du budget, des contrôles et des marchés (direction de l'administration générale). Une fois le budget discuté et approuvé par le Parlement (octobre-décembre), le département répartit les dotations budgétaires aux missions de coopération : une pour la coopération technique, une autre pour les projets d'investissement à financer par le FAC, et une troisième pour les petites interventions comme la formation des boursiers, la livraison de vaccins et de livres. Les missions sont priées de proposer des projets et programmes dans le cadre de ces enveloppes... Une fois les propositions des missions de coopération reçues, en automne, le Ministère de la Coopération et pour les programmes d'investissement le Comité Directeur du FAC déterminent les programmes par pays pour l'année prochaine."

Pour les pays hors champ, la programmation se fait sur proposition du Ministère des Finances pour les actions d'investissement (protocoles du trésor), et sous forme d'une enveloppe globale pour la coopération technique.

"La coopération technique avec les pays hors champ, menée par la DGRCST (du Ministère des affaires Etrangères), n'est pas programmée systématiquement d'avance pour chaque pays. L'enveloppe disponible pour ces interventions est plutôt utilisée en fonction de la demande des autorités des pays bénéficiaires."

Le cycle du projet

Pour les pays du champ, l'identification des actions à entreprendre est largement décentralisée au niveau des missions de coopération. Pour l'assistance technique comme pour les projets bilatéraux (relevant des programmes-Etats), les missions locales de coopération ont compétence pour proposer les actions à entreprendre. L'initiative en provient soit du pays receveur, soit de la mission elle-même en concertation avec les autorités locales. La mission dispose de crédits déconcentrés d'intervention (10% à 20% des programmes pays) qui lui permettent de prendre en charge les petits projets (en dessous de 1 million de francs). Le contrôle sur ces projets s'effectue ex post à partir d'un compte rendu annuel d'utilisation de ces crédits.

Pour les actions plus importantes, la mission instruit un dossier en préparant une fiche de prise en considération (3 à 4 pages) qui est examiné au niveau central par le Comité d'Examen. En cas d'avis favorable, l'instruction est poursuivie conjointement aux niveaux local et central pour aboutir à un rapport de présentation plus détaillé (30 à 35 pages). Le Comité d'Examen donne un nouvel avis, et transmet en cas de réponse positive au Comité Directeur du FAC pour décision définitive. Le projet, une fois approuvé, donne alors lieu à la signature d'une convention qui peut inclure des conditions spécifiques au financement. La durée de la procédure complète, de l'identification au démarrage de la mise en oeuvre, peut-être estimée en moyenne autour de 1 an et demi.

La mise en oeuvre peut alors être exécutée soit par la mission, soit par l'Etat receveur. Dans ce dernier cas, qui reste minoritaire, les crédits sont délégués aux autorités locales responsables avec toutefois un pouvoir de veto sur l'engagement des dépenses détenu par la mission.

Pour les projets inter-Etats et d'intérêt général, le Ministère de la Coopération joue le rôle central. Il prend le plus souvent l'initiative des actions à entreprendre et des concertations avec les pays concernés. Il instruit les dossiers selon une procédure identique à celle précédemment décrite et met en oeuvre les projets.

En dehors du champ, la décision se situe également au niveau central du Ministère concerné (Finances ou Affaires Etrangères). En revanche, la participation du pays receveur est en général plus importante tant dans l'initiative des actions à entreprendre que dans leur mise en oeuvre.

2.2. L'aide financière

Les différents types d'aide

L'aide financière française se partage en trois types principaux d'intervention : les opérations de traitement de la dette (annulation et consolidation), les aides budgétaires et les concours d'ajustement structurel. En 1992, l'aide financière s'est partagée en environ 40% pour le traitement de la dette, 20% pour l'ajustement structurel et 25% pour les aides budgétaires.

Les opérations de traitement de la dette relèvent le plus souvent du Club de Paris, où la France tente de jouer un rôle influent pour adapter le traitement de la dette à la situation réelle des pays les plus endettés.

Les aides budgétaires sont accordées de manière ad hoc sur décision des autorités françaises, et ne donnent pas lieu en principe à la signature d'une convention et l'engagement dans un programme, à la différence des concours d'ajustement structurel.. La procédure qui régit ces derniers mérite une certaine attention.

Les concours d'ajustement structurel

En dehors de sa contribution aux programmes multilatéraux, la France finance elle-même ses propres programmes d'ajustement structurel à destination de certains pays du champ. La responsabilité des négociations incombe au Ministère des Finances. Les concours associés à ces programmes sont gérés avec la CFD, en étroite collaboration avec les Ministères des Finances et de la Coopération, qui en fournit la partie don (subventions et bonifications d'intérêt

Les programmes d'ajustement structurel sont préparés de manière tripartite (CFD, Ministère des Finances, Ministère de la Coopération) et donnent lieu à la signature d'une convention avec le pays bénéficiaire. Chaque opération de décaissement est elle-même le résultat d'une procédure tripartite en trois phases : mission d'instruction, mission financière, passage en Conseil de Surveillance de la CFD.

Jusqu'à une date récente, les programmes d'ajustement structurel français fonctionnait davantage sur une logique d'affectation que de conditionnalité. Les concours consentis était dans leur majorité affectés à des dépenses budgétaires identifiées (souvent en priorité la réduction des arriérés intérieurs de l'Etat par exemple) ou, pour une part faible, à des programmes d'appui (appui à la gestion financière). La convention financière signée dans le cadre du programme d'ajustement entre la France et le pays bénéficiaire contenait certes des "engagements particuliers" à réaliser par le pays, mais ceux-ci étaient le plus souvent de nature technique (par exemple réalisation d'un audit), et débouchaient rarement sur de véritables conditionnalités.

Depuis Septembre 1993, sur décision du Premier Ministre, les programmes d'ajustement structurel français ne peuvent concerner que les pays en programme avec le FMI. La position française en matière d'ajustement est donc vraisemblablement en train d'évoluer vers des programmes conditionnels coordonnés avec ceux des institutions de Bretton-Woods.

2.3. Evaluation

Un tableau récent et complet des structures et processus d'évaluation de l'aide française a été fait par le CAD à l'occasion de l'examen de l'aide française. Le descriptif ci-dessous en sera donc une série d'extraits.

Chacune des institutions chargées d'administrer un programme d'aide au développement possède sa propre structure chargée d'évaluer les résultats des actions financées.

Au ministère de la Coopération "depuis 1989, une mission chargée des études, des évaluations et de la prospective (MEEP) organise, entre autres, des évaluations de l'aide française aux pays du champ (environ deux évaluations par an sur des pays bénéficiaires et six à huit sur des secteurs d'intervention)... Les évaluations par pays analysent le programme de la coopération française dans son ensemble et tentent de déterminer si les objectifs fixés ont été atteints.... La MEEP produit des rapports de synthèse des résultats obtenus des évaluations. Ces rapports restent à l'intérieur de l'administration et ne sont distribués aux autorités des pays partenaires qu'au cas par cas. La MEEP produit toutefois un rapport annuel d'activités qui est disponible pour le public.... L'évaluation n'est pas seulement un contrôle de conformité financière et technique, mais aussi une analyse approfondie de l'impact sur le développement de l'action évaluée. Trois types d'évaluation se distinguent : (i) celles de type géographique; (ii) celles de type sectoriel; (iii) celles de politique des moyens."

*

Au Ministère des Affaires Etrangères, "pour les activités de coopération technique, programmées et gérées par la direction de la coopération, la capacité d'évaluation était faible jusqu'à présent ; un Comité d'évaluation et de programmation prévoyait les activités pour l'année suivante en se basant sur des rapports des ambassades dans les pays hors champ. La réforme administrative actuellement en cours au Ministère, et plus particulièrement à la DGRCST, va instaurer une procédure pour un service d'évaluation proprement dit : un Comité d'évaluation au niveau de la DGRCST analysera les politiques et les outils de la coopération technique."

A la CFD "un service Evaluations rétrospectives est en place et a évalué en 1993 14 projets/programmes opérationnels de la Caisse dans un nombre de pays du champ et de DOM/TOM... La CFD publie certains rapports de synthèse... Depuis peu, la Caisse diffuse aussi un bref résumé de ses activités d'évaluation passées et programmées (la lettre de l'évaluation)."

Au Ministère des Finances, "la cellule évaluation de la Direction du Trésor organise, depuis 1987, des évaluations de l'aide française aux pays hors champ. Les activités d'évaluation portent essentiellement sur les programmes financés sur protocoles financiers de la Direction du Trésor. Chaque année 12 à 15% environ du nombre de projets sont évalués. Des évaluations par secteur, type d'aide et pays bénéficiaire sont aussi conduites. Les évaluations sont confiées à des experts externes sous contrat... La cellule évaluation élabore une synthèse annuelle des évaluations réalisées. Enfin elle anime un groupe de travail de l'évaluation de l'aide comprenant les services d'évaluation des différents organismes chargés de programme de coopération au développement (MC, MAE, CFD) permettant d'assurer coordination et échanges en matière d'évaluation."

Enfin, les OSI n'ayant souvent pas les moyens nécessaires pour entreprendre des évaluations externes de leurs actions, une aide à l'évaluation peut leur être apporté sous forme d'un fonds d'études et d'évaluations.


III. LES ENJEUX ACTUELS

1. Evolutions récentes

Le système d'aide français est avant tout marqué par une grande continuité. Il n'est pas exagéré de dire que l'architecture du système d'aide et les grands principes qui le gouverne sont inchangés depuis la période qui a suivi la décolonisation. Les instruments utilisés, les priorités sectorielles et géographiques ont connu quelques modifications (apparition de l'aide programme et de la conditionnalité, élargissement du champ, nouvelles priorités), mais là encore c'est indéniablement la continuité qui prédomine.

Cependant la période actuelle pourrait s'avérer marquer une inflexion sensible dans les orientations et le positionnement de l'aide française. Depuis Septembre 1993, les concours financiers français sont désormais conditionnés à la conclusion de programmes négociés par les Etats avec les institutions financières internationales. Cette décision montre clairement d'une part, la reconnaissance du leadership des IFI pour mener le dialogue avec les pays receveurs et coordonner les aides bilatérales, d'autre part l'acceptation sans réserve de la conditionnalité de l'appui des bailleurs de fonds à des engagements sur des programmes et mesures de politique économique. Ces deux points témoignent d'un certain tournant avec les positions passées prises par les institutions françaises. Les modifications survenues, par la suite, dans la gestions de la zone franc (limitation de la convertibilité, dévaluation) amènent certain observateurs à parler de rupture dans la politique française vis-à-vis de son champ. Cela semble confirmé par la réforme en cours du Ministère de la Coopération dont le champ a été étendu à l'ensemble des pays ACP.

S'il ne faut pas sous-estimer la portée de telles évolutions, il convient également d'en remarquer les éléments de continuité. Depuis l'engagement de la France dans des programmes d'ajustement structurel dès le début des années 1980, l'alignement de l'aide française derrière les conditionnalités des institutions internationales a déjà été maintes fois pratiqué, même si cela n'était pas un principe intangible et si il existe quelques contre-exemples fameux (le soutien de la France à la Côte d'Ivoire et au Cameroun au début des années 1990). De même, il faut rapprocher les modifications du fonctionnement de la zone franc de l'appui au renforcement des ensembles régionaux francophones, notamment l'UEMOA, pour comprendre que là aussi on dénote une grande continuité dans les objectifs poursuivis par l'aide française. Enfin, si le champ d'action du ministère de la coopération a été élargi, rien a encore été décidé en ce qui concerne le FAC (cf infra), bras financier du ministère.

En fait, les changements récents sont l'aboutissement d'un processus amorcé depuis longtemps d'une prise en compte croissante des contraintes économiques et du conteste international dans les relations entre la France et ses principaux partenaires, à partir d'une situation où les relations étaient essentiellement politiques et bilatérales.

2. Aide française et aide communautaire

2.1.Positions et influence française

L'influence française a historiquement été très forte sur l'orientation de l'aide européenne. L'instauration du FED, l'orientation géographique africaine, sont directement dues à l'influence française, qui, pourrait-on dire, a constitué l'inspiration principale des accords de Yaoundé puis de Lomé. La France défend toujours auprès de l'Union Européenne des positions allant dans le même sens : soutien à une politique financière ambitieuse, maintien de zones prioritaires privilégiées de l'aide communautaire -en premier lieu les pays ACP, en second lieu les pays du Maghreb.

La France voit dans l'Union Européenne un certain nombre d'atouts qui pourraient lui permettre de jouer un rôle tout à fait particulier dans le système d'aide. L'aide européenne, relativement dégagée des contraintes politiques et autonome par rapport aux appareils administratifs nationaux, devrait par cette neutralité être à même de dégager une conception européenne du développement, commune aux pays membres. Elle apparaît, pour les mêmes raisons, bien placée pour organiser un dialogue de partenariat avec les pays receveurs, et notamment à défendre les valeurs de gouvernance, Etat de droit et démocratie. La large compétence de l'Union Européenne en matière commerciale, ainsi que ses positions vers la libéralisation des échanges, devraient lui permettre de progresser davantage sur la voie d'une politique d'aide intégrée à la politique commerciale. Enfin, les montants importants de financement à disposition européenne devraient lui conférer un avantage dans les grands projets à vocation multinationale -grandes infrastructures, projets d'intégration régionale.

Il est probable que l'influence française sur la politique d'aide européenne soit déclinante, bien qu'encore importante. L'élargissement de l'Union, les positions des pays du nord du continent, les critiques de plus en plus fréquemment formulées à l'encontre du système de Lomé pourraient même conduire progressivement à un certain isolement de la France dans sa défense de priorités géographiques et d'une politique d'aide ambitieuse et généraliste envers les pays africains.

2.2. Coordination

La coordination entre l'aide française et l'aide européenne s'effectue dans le cadre des structures communautaires ad hoc : groupe coopération et développement (préparatoire au conseil des ministres), comité du FED. Des concertations informelles sont également organisées au niveau central ou dans les pays du champ, comme c'est également le cas avec d'autres coopérations bilatérales européennes.

Peut-on aller plus loin que ce dialogue ? Il convient de rappeler que la priorité de l'aide française est de nature géographique et non sectorielle. Sur son champ géographique d'intervention privilégié, l'aide française est par vocation généraliste. Aussi, le système d'aide français est opposé à une tendance qui irait dans le sens d'une spécialisation sectorielle des donateurs européens sous l'égide de l'Union Européenne, sans l'accomplissement d'un processus préalable de coordination (cf infra). Dans ce sens, l'aide française n'est pas favorable aux idées de complémentarité des aides européennes et encore plus de substituabilité de ces aides. D'autant plus, qu'à son sens, il n'apparaît pas que l'aide européenne (ou toute autre aide) puisse bénéficier d'un avantage incontestable et durable dans un domaine sectoriel (si ce n'est des exemples limités tels que les grands projets d'infrastructure cités ci-dessus).

Beaucoup de spécialistes français font officieusement l'analyse que la coopération européenne s'est en quelque sorte trompée de vocation en se voulant un exécutant de projets au même niveau que les pays membres, alors que sa spécificité l'appelait plutôt à devenir un pôle d'excellence en matière de réflexion sur le développement et de conception de politiques et de stratégies. Pour ces spécialistes, la situation actuelle, largement à l'opposé, rend difficile une avancée effective vers la coordination des aides européennes.

D'une part, l'Union Européenne n'a pas relevé le défi de construire une vision européenne du développement. De ce fait, le système d'aide européen n'apparaît que rarement comme un pôle attractif de réflexion et de débat. Il est symptomatique de remarquer que les échanges d'idées sont beaucoup plus nombreux entre le Ministère de la Coopération et la Banque Mondiale, en dépit de domaines de divergence ou de concurrence, qu'entre ce même Ministère et la Direction Générale du Développement de l'Union Européenne. D'autre part, la présence sur le terrain du dispositif européen comme exécuteur de projet au même titre que les aides bilatérales, bien qu'utile à la vaste tâche à accomplir, n'ajoute rien en l'état actuel des choses à la coordination des donateurs européens.

La France n'apparaît pas favorable à une coordination planifiée et dirigée. Elle pense que la compétence sectorielle ou géographique ne doit pas se décréter en termes de territoire -cela ne peut être efficace-, mais s'imposer d'elle même en termes d'efficacité. A ce titre, une réelle complémentarité ne peut se concevoir que progressivement dans un processus lent de convergence entre acteurs européens. En premier lieu, une philosophie commune devrait être exprimée. Ensuite, sur le terrain, l'Union pourrait jouer un rôle d'animation en faisant jouer les aides bilatérales ensemble, notamment par la concertation et la circulation d'information. Progressivement alors, chaque partenaire pourrait spontanément trouver sa fonction dans une stratégie coordonnée. Il n'est pas sûr que l'Union Européenne possède actuellement les moyens humains pour jouer un tel rôle.

3. Imputabilité (accountability)de l'aide française

3.1.Diffusion de l'information

Tout le monde s'accorde à reconnaître que l'aide française est fort peu lisible. Cela provient en premier lieu de l'éclatement des structures administratives concernées. Peu d'efforts sont faits pour tenter de diffuser une information agrégée portant sur l'ensemble de l'aide française. Cela concerne par exemple le descriptif statistique de l'aide. Reconstituer les données de l'aide française relève bien souvent de la gageure. Il est ainsi extrêmement difficile de reconstituer l'ensemble des transferts au titre de l'aide par pays destinataire pour une année donnée.

Le manque de lisibilité affecte également la stratégie générale de l'aide française pour la même raison de dispersion des actions entre des acteurs qui poursuivent des objectifs spécifiques et d'absence de réflexion de synthèse, accessible au public, qui replace l'ensemble des actions dans un cadre cohérent. Cet état de fait est d'ailleurs reconnu par les autorités françaises.

Les analyses portant sur l'évaluation des programmes et des projets d'aide sont exclusivement destinées à l'information interne des structures de coopération et ne sont pas disponibles pour les requêtes extérieures.

3.2. Imputabilité vis à vis des instances législatives

L'influence des instances législatives, qui se plaignent parfois du manque de lisibilité du dispositif à leur niveau, sur les orientations de l'aide au développement paraît avoir été faible dans le passé. Il n'y a pas jusqu'à présent d'exemples d'initiatives parlementaires directes ayant notablement influé la politique française d'aide.

Il est cependant possible que les choses soient en train de changer. Le rapport Cazenave, à la suite du rapport Duffaure du Conseil Economique et Social, est soutenu par les OSI (cf infra) et ne semble pas mal accueilli par les autorités qui reconnaissent, notamment dans les réponses aux questions parlementaires, la nécessité d'une simplification institutionnelle et d'un recours accru à l'exécution privée.

En 1989, cinq députés des principales familles politiques françaises (allant du parti communiste à la droite parlementaire) ont rédigé un projet de loi (couramment dénommée Loi Survie) visant à instaurer "une coopération contractuelle, en faveur des populations les plus défavorisées, et animée par la société civile". Ce projet de loi a reçu la signature de 72% du parlement actuel (416 députés sur 577) et le soutien de nombreux représentants de la société civile. Elle attend d'être inscrite à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée Nationale, prérogative du gouvernement. Quelle que soit l'issue de cette initiative, elle montre une volonté nouvelle du Parlement de jouer un rôle dans le domaine de l'aide au développement.

3.3. Imputabilité vis à vis de la société civile

De même que pour le Parlement, la société civile ne semble pas avoir joué jusqu'à présent de rôle significatif dans les orientations de l'aide française au développement, qui ont été marquées par une grande continuité. Cependant, là encore, les évolutions récentes pourraient montrer un changement dans ce domaine. Depuis la fin des années 1980, un certain nombre d'associations ou d'ONG se font entendre en donnant une opinion (fortement critique le plus souvent) sur le dispositif et les politiques d'aide publique française et en émettant parfois des propositions.

Une quarantaine de représentants de la société civile a même créé récemment un "Observatoire permanent de la coopération française", dont la fonction consiste à émettre régulièrement des avis sur l'aide française et les relations de la France avec les pays du Sud.

Ce mouvement de la société civile se retrouve sur les grandes lignes de son analyse. Il dénonce une aide trop politique, trop clientéliste, trop étatiste et qui n'atteint pas suffisamment les populations pauvres. Il propose une aide contractuelle, à destination essentiellement des populations les plus défavorisées, et passant bien davantage par le canal des sociétés civiles au Nord comme au Sud.

Il est trop tôt pour deviner l'influence que pourront exercer ces mouvements d'opinion dans les orientations à venir de l'aide publique. Mais, il est certain, qu'en dehors de positions très critiques et très politiques, les propositions de la société civile trouvent de larges échos auprès de l'opinion publique (qui peut être contre l'attribution de l'aide aux plus démunis ?), du Parlement (le rapport Cazenave s'en est inspiré) et du sein même du dispositif d'aide et des autorités françaises. La France et l'Afrique, ouvrage rédigé essentiellement par des représentants du système d'aide et commandé par le Ministre de la Coopération, est lui-même très fortement critique et réformateur, dans une perspective voisine des propositions des ONG.

3.4. Imputabilité vis à vis de l'opinion publique

Plus encore que ses représentants, du monde politique ou de la société civile, l'opinion publique française a naturellement été peu informée de l'action de la France en matière d'aide, et n'a eu que peu d'influence sur les orientations poursuivies. Les enquêtes d'opinion réalisées montrent que les français sont généralement favorables au maintien du niveau de l'aide et ne remettent pas en cause la priorité africaine, en dépit d'un assentiment qui décroît. Mais, l'image de l'efficacité de l'aide dans l'opinion est singulièrement altérée. Pourtant, les français semblent estimer que les enjeux du développement relèvent avant tout des institutions publiques du Sud et du Nord, nationales ou multilatérales, et que l'aide privée ne peut être qu'un complément ou la réponse à une urgence.

Cela peut être rapproché de la constatation que les français donnet peu aux organisations de solidarité internationale.

Les dons annuels moyens par habitant en 1990 aux organisations de développement ou de secours se montent à 3.3 $ en France contre 6.9 $ pour l'ensemble du CAD (cela atteint plus de 30 $ en Norvège).

4. L'aide française et les nouvelles priorités de l'aide internationale

Les priorités de l'aide internationale se modifient en permanence., les années 1990 ont vu de nouvelles problématiques d'origines relativement différentes -humanitaire, démocratique, environnementale- se placer au sommet des stratégies des agences d'aide : lutte contre la pauvreté et/ou équité, capacité institutionnelle et gouvernance, démocratie et état de droit, décentralisation et participation, émergence de la société civile et de l'entrepreneuriat, égalité des sexes et développement de l'activité féminine, développement humain et secteurs sociaux, environnement et développement durable.

En dépit de l'engagement parfois important (et souvent ancien) de l'aide française dans certains de ces domaines -capacité institutionnelle, décentralisation, environnement, secteurs sociaux-, un sentiment répandu dans l'ensemble du système d'aide français à l'égard de ces nouvelles priorités est une certaine prudence, voire méfiance. Il en résulte une certaine distance entre les priorités de l'aide française et celles d'une partie de la communauté internationale, sans doute explicable par les caractéristiques de l'aide française.

En premier lieu, l'aide française est peu sensible à l'opinion publique, elle même peu mobilisée sur ces questions. Or, il est certain que les rapports entre l'opinion publique, la société civile et les agences d'aide ont été déterminants pour la mise en avant de certains thèmes tels que l'environnement, la lutte contre la pauvreté ou les "gender issues" (expression d'ailleurs intraduisible en français). La France n'a pas connu une telle évolution, et ces nouvelles priorités sont parfois considérées comme des "modes" appelées à se transformer ou à disparaître au rythme de l'apparition d'idées nouvelles, et pouvant nuire à la continuité d'une action dont l'objectif unique et global doit être le développement. La position française peut ainsi être taxée de constance ou de conservatisme, selon la perception des observateurs.

En second lieu, les relations particulières avec certains partenaires, la vocation généraliste de l'aide française, son organisation décentralisée (cf infra) donne à l'aide française un caractère pragmatique, peu compatible avec le respect d'un cadre stratégique étroit. L'aide française tente de se rapprocher d'un concours direct aux efforts entrepris par les acteurs des pays bénéficiaires. Cela peut même concerner les domaines régaliens des Etats -sécurité, monnaie, etc... L'implication des bénéficiaires, l'inclusion dans le contexte du pays receveur apparaissent déterminantes. Il en résulte en retour un déficit indéniable de cohérence qui empêche les actions de l'aide française de s'inscrire dans un cadre stratégique clair.

Cette situation pourrait devenir préoccupante pour l'aide française : d'abord par ce qu'elle contribue à un certain isolement de la France dans le contexte international, et ensuite car l'intérêt croissant de l'opinion publique et de la société civile ne peut s'accomoder du déficit startégique actuel.


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Mise à jour: 10 juillet 1996
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